Le Sahara précolonial : des sociétés en archipel.
Projet de publication proposé par Cyrille Aillet (Université Lumière Lyon 2), Chloé Capel (UMR 8167) et Élise Voguet (CNRS, IRHT)
Depuis une vingtaine d’années, la recherche sur l’histoire des peuples sahariens connaît un renouveau remarquable. La conception traditionnelle du Sahara prémoderne comme espace de frontière entre l’Afrique du Nord et le Sahel a été progressivement abandonnée au profit de l’idée que le Grand Désert constituait une aire autonome, à l’intérieur de laquelle s’opérait la jonction entre les deux Afriques (Loimeier, 2013, 54-76). Notre appel à contributions s’inscrit dans cette nouvelle dynamique en invitant historiens, archéologues et spécialistes d’autres disciplines à questionner la cohérence de cet espace culturel saharien, entre le haut Moyen Âge, où l’islam fait son apparition dans ces régions, et le xixe siècle, à la veille des poussées coloniales modernes. Le point de départ de notre réflexion est le constat d’une tension entre le caractère insulaire de ces sociétés et leur vocation cosmopolite, entre la discontinuité géographique du peuplement saharien et les formes de cohésion socio-culturelle qui peuvent en assurer l’unité relative, à l’image des archipels maritimes. En effet, si les régions comme le Tafilalt au Maroc (Capel, 2016a), le Touat (Voguet, 2017 et 2018) ou le bassin de Ouargla (Aillet, Gilotte, Cressier, 2017) en Algérie, le Fezzan en Libye (entre autres Mattingly, Sterry, Edwards, 2015) ou les oasis du Kaouar au Niger (Vikør, 1999) peuvent être considérées comme des points névralgiques au sein d’un vaste réseau d’échanges et de rencontres transrégionaux, elles n’abritent pas moins des cultures vernaculaires d’une diversité et d’une richesse remarquables. De même, la grande mobilité de leurs habitants, notamment les marchands ou les lettrés, a donné lieu à la formation d’une véritable diaspora transsaharienne, marquée par une conscience et une mémoire de groupe qui peuvent être très fortes (Lydon, 2009, 340-400).
Les contributions, en interrogeant la pertinence de la notion d’archipel appliquée aux mondes sahariens, telle qu’elle a pu être également employée pour qualifier l’économie mondialisée actuelle (Dolfus, 1996, 25-30), devraient s’articuler autour de trois axes de recherche.
Le premier axe envisage le phénomène de la mobilité des oasiens sur la longue durée et celui de l’attraction de ces pôles de peuplement sahariens. Nous serons attentifs à la pratique du commerce à grande ou moyenne distance (Lydon, 2009 ; Mattingly et alii , 2017), aux migrations économiques ou sociales de groupes nomades vers les régions oasiennes (Cleaveland, 2002) et aux différents déplacements à des fins religieuses ou intellectuelles, tels que les pèlerinages ou les voyages « pour acquérir la science » (fī ṭalab al-ʿilm) des lettrés musulmans (Warscheid, 2017).
Le deuxième axe concerne l’organisation politique et sociale des différentes sociétés oasiennes. L’objectif est, d’un côté, de penser les organisations de peuplement et les formes d’exercice de pouvoir, notamment par la fabrique de structures institutionnelles à l’échelle locale (Warscheid, 2017), de l’autre, de sonder les relations que les régions oasiennes entretiennent entre elles mais aussi avec des acteurs politiques externes (méditerranéens et sub-sahariens principalement), qu’il s’agisse d’États ou de confédérations tribales (Cleaveland, 2002 ; Hassen, 1999 ; Amara, 2003). Ce thème sera aussi l’occasion de questionner le poids de ces interlocuteurs extérieurs dans la structuration politique et économique de ces archipels sahariens et dans l’émergence des grandes formations politiques sahariennes (Grémont, 2010) telles que l’Empire almoravide, le royaume de Ghāna ou les sultanats de Mālī, de Kānem ou de Borno.
Enfin, le troisième axe s’attache à une histoire de la production culturelle en milieu oasien, envisagée comme un processus d’appropriation créative de formes et de modèles allogènes par les populations locales, ou comme l’élaboration de modèles autochtones. Il s’agit d’interroger l’apparition de traditions littéraires (Rebstock, 2001 ; Hunwick, 2011 ; Steward, 2016) et la genèse d’une culture savante et religieuse musulmane (Osswald, 1993 ; Krätli & Lydon, 2011), mais aussi d’historiciser la culture matérielle oasienne, de l’artisanat à l’architecture (Vallat, 2014 ; Chekhab-Abudaya, 2016 ; Aillet, Gilotte, Cressier, 2017) et le domaine des savoirs et des savoir-faire sahariens, notamment agricoles, techniques, symboliques et artistiques (Capel, 2016b). Dans ce cadre, nous serons particulièrement sensibles aux approches qui thématisent l’interaction entre l’oralité et l’écriture.
Calendrier
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