Ce premier axe vise à étudier les
particularités de l’organisation des communautés agro-pastorales du Touat en mettant en valeur leurs caractéristiques propres, en grande partie liées aux spécificités d’un espace aride difficile à conquérir et à maîtriser. L’obstacle que constituent à la fois le relief et les espaces désertiques conditionne toute présence humaine et c’est donc en suivant des itinéraires bien précis, placés sur les nappes phréatiques, que se sont développées les ksour et que se sont dessinés les axes de circulation. La nappe souterraine étant plus ou moins profonde, elle n’a pu être exploitée que par la mise en place de structures artificielles dépendant à la fois d’aménagements importants (mise en place de structures appelées
foggâras– galeries souterraines permettant de collecter et de drainer l’eau par gravité – et de canaux), et demandant un fort investissement pour l’entretien. À l’intérieur de l’oasis, seule une organisation collective permet le contrôle des débits d’eau et l’entretien des structures d’irrigation. Des assemblées locales jamâ‘a assuraient à la fois les collectes de fonds pour la réparation, l’extension, la vidange ou le nettoyage des réseaux hydrauliques et la gestion des répartitions mais aussi des ventes ou des prêts de parts d’eau.
Cette organisation communautaire apparaît dans les
recueils de jurisprudences compilés dans la région (Nawâzil, Ajwiba) vraisemblablement à partir du XVe s. : ces textes ont en effet été rédigés pour répondre aux problèmes spécifiques qui se posaient dans les ksour. On trouve ainsi de nombreux cas de conflits sur le partage des eaux : l’eau peut se tarir, le débit se modifier, l’évaporation et la distance du bassin à la parcelle peuvent influer sur le niveau des besoins, la qualité des sols n’est pas partout la même…
Nawâzil d’al-Zajlâwî. Manuscrit en dépôt au Centre National des Manuscrits d’Adrar
Répartiteur – Oasis de Lemtarfa
En revanche, si l’organisation est communautaire, il semble que la propriété des sols soit restée privée et cette documentation juridique devrait permettre de comprendre comment s’articulent ces deux niveaux. Ils devraient également permettre de mieux comprendre les hiérarchies sociales. Qui sont les populations dominantes ? S’agit-il des groupes les plus anciennement implantés ? des shurafâ’ reconnus descendants du Prophète, émigrés notamment du Tafilalt situé au nord-ouest du Touat ? des tribus de mrabtîn réunies autour d’un wali et qui ont acquis prestige religieux et ressources économiques ? Comment ces groupes sociaux qui détiennent visiblement la presque totalité des droits d’eau et des palmiers font-ils mettre leurs terres en valeur ? On sait que les aménagements hydrauliques ont été mis en place grâce aux nombreux esclaves ramenés d’Afrique sub-saharienne qui ont ensuite constitué une partie importante de la population des oasis. Comment se sont-ils intégrés ? Les statuts qu’ils ont acquis ont-ils évolués ? Ont-ils permis leur émancipation ?
L’archéologie s’avère également indispensable à la compréhension des fonctionnements socio-économiques notamment à travers l’étude des ksour et des systèmes d’irrigation qui se caractérisent par une grande permanence et une certaine unité. Il serait cependant intéressant de mettre en valeur les échanges de styles, de formes, de matériaux. Ces pistes mériteraient d’être approfondies notamment par l’étude des ksour de Tamentit et Bouda (les plus anciennement signalés dans les sources) pour souligner les spécificités régionales notamment en ce qui concerne les matériaux et l’articulation des espaces utilitaires et d’habitat.
qsûr de Tamentit