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Axe 4 : Le Touat et l’Islam.

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Ce dernier axe concernera la présence de l’Islam au Touat, la région devant être étudiée à la fois comme relais pour l’islamisation de l’Afrique subsaharienne, comme lieu d’élaboration juridico-religieux à l’origine d’une jurisprudence locale et comme espace façonné et organisé autour de la vénération de Saints.

Ce qui rapproche toutes les populations du Touat, surtout après la quasi disparition des communautés juives à la fin du XVe s., c’est une foi commune et une adhésion grandissante au sunnisme mâlikite. La région est en effet un lieu d’élaboration juridique à l’origine d’une jurisprudence qui semble être surtout locale mais qui s’est construite dans la filiation directe des recueils mâlikites classiques.

Manuscrit inidentifié de Nawâzil du Touat conservé dans la bibliothèque privée d'Ouled Said. Ici la question est posée à al-Jantûrî.

Manuscrit inidentifié de Nawâzil du Touat conservé dans la bibliothèque privée d’Ouled Said. Ici la question est posée à al-Jantûrî.

Il faut donc décrypter ce qui, dans ces avis juridiques, appartient au patrimoine (les textes sacrés et les enseignements des maîtres fondateurs de l’école mâlikite) et ce qui relève d’adaptations. Il faut en effet tenir compte des strates d’époques différentes qui forgent les cas et observer l’articulation entre un savoir hérité et des pratiques sans cesse renouvelées. Pour comprendre comment ces textes ont été composés il faut commencer par étudier les juristes qui les ont compilés mais aussi ceux qui y sont cités. Une étude prosopographique des juristes sera le point de départ de cette réflexion. Une telle approche vise aussi à replacer ces compilations régionales dans le cadre des réseaux de production et de diffusion du savoir juridique et plus généralement à envisager les moyens de transmission du mâlikisme au Sahara et les modalités de l’islamisation de l’Afrique sub-saharienne.
Si cette islamisation s’est répandue au Sahel depuis l’Afrique du Nord par les voies commerciales, notamment par le biais de prédicateurs comme le fameux al-Maghilî dont le parcours de Tlemcen vers le Touat, où il vécut une dizaine d’année à la fin du XVe, puis vers l’Afrique subsaharienne a été déjà bien étudié, il faut étudier également le rôle du prosélytisme de certaines tribus (Kounta notamment voir Axe 2).
Un autre phénomène, qui n’est pas spécifique à la région mais qui s’y est développé de manière exponentielle c’est le phénomène dit du « maraboutisme », c’est-à-dire la constitution de tribus autour de l’installation d’un homme et de la fondation d’une zaouïa. Le Touat et sa situation en périphérie du dâr al-islam a été particulièrement touché par ce phénomène. Il est très intéressant à étudier dans le cadre de ce projet car il se caractérise à la fois par l’implantation d’une nouvelle force sociale au niveau local (on voit se constituer des communautés prospères et les mrabtîn qui se constituent en lignage deviennent une véritable « classe sociale » dominante dans les ksour) et par la personnalité du Wali, saint fondateur qui a souvent beaucoup voyagé au Maghreb mais aussi en Orient et parfois en Afrique et qui participe donc à la diffusion de pratiques religieuses venues d’ailleurs, mais aussi à une homogénéisation des croyances. L’insertion de ces zaouïas dans les réseaux commerciaux va permettre le maintien de ces relations internationales et le désenclavement des populations touatis.

Il semble par ailleurs que ces tribus maraboutiques ont largement contribué, à côté des familles de shurafâ’, à effacer définitivement les tendances ibadites au profit du sunnisme mâlikite. Reste à étudier quel fut le rôle du soufisme et du chérifisme dans la sunnisation du Sahara et de l’Afrique subsaharienne.